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27 de fev. de 2013

Décès de l'intellectuel français Stéphane Hessel, auteur d'"Indignez-vous!" ( LE POINT)



Le Français Stéphane Hessel , auteur du best-seller "Indignez-Vous" vendu à des millions d'exemplaires et qui a inspiré dans le monde ces dernières années plusieurs mouvements de protestations, est mort dans la nuit de mardi à mercredi à 95 ans.
"Il est mort dans la nuit", a brièvement annoncé à l'AFP son épouse, Christiane Hessel-Chabry. Ancien résistant sous l'occupation allemande et diplomate à la carrière atypique, homme de gauche et européen convaincu, Stéphane Hessel était connu pour ses prises de position engagées.
"Sa capacité d'indignation était sans limite, sauf celle de sa propre vie. Au moment où celle-ci s'achève, il nous laisse une leçon, celle de ne se résigner à aucune injustice", a souligné le présidentFrançois Hollande dans un communiqué.
A la retraite depuis 1983, Stéphane Hessel avait poursuivi son combat contre les injustices par des publications de manifestes et appels, à commencer par le célèbre "Indignez-vous!" en octobre 2010.
Cet opuscule de 32 pages, appelant à une "insurrection pacifique", a été vendu à quelque 4,5 millions d'exemplaires dans 35 pays. Il a accompagné les soulèvements populaires contre les régimes dictatoriaux arabes. En Occident, le terme d'"indignés" a été repris par des manifestants en France, Espagne, Grèce, et jusqu'à New York où il a inspiré le mouvement "Occupy Wall Street".
Interrogé en mars 2012 par l'AFP, Stéphane Hessel disait "s'étonner" encore de ce succès en ajoutant: "Cela s'explique par un moment historique. Les sociétés sont perdues, se demandent comment faire pour s'en sortir et cherchent un sens à l'aventure humaine".
En 2011, l'intellectuel avait récidivé en publiant "Engagez-vous!" un livre d'entretiens ainsi qu'un appel contre l'arme atomique dans "Exigez! Un désarmement nucléaire total". Et l'an dernier, il avait sorti en France "Déclarons la Paix! Pour un progrès de l'esprit", reprenant des entretiens avec le dalaï lama.
De Berlin à Paris en passant par Buchenwald
Né le 20 octobre 1917 à Berlin, arrivé en France à 7 ans, Stéphane Hessel était le fils de Franz et Helen Hessel, née Grund, qui inspireront, avec l'écrivain Henri-Pierre Roché, le trio "Jules et Jim" porté à l'écran par le cinéaste français François Truffaut.
http://www.lepoint.fr/culture/deces-de-l-intellectuel-francais-stephane-hessel-auteur-d-indignez-vous-27-02-2013-1633596_3.php
Le Français Stéphane Hessel , auteur du best-seller "Indignez-Vous" vendu à des millions d'exemplaires et qui a inspiré dans le monde ces dernières années plusieurs mouvements de protestations, est mort dans la nuit de mardi à mercredi à 95 ans.
Naturalisé en 1937, reçu à l'école d'élite française Normale Sup en 1939, Stéphane Hessel, qui parlait allemand, français et anglais, était l'incarnation de l'intellectuel européen.
Mobilisé en 1939, fait prisonnier, il s'était évadé et avait rejoint le général De Gaulle à Londres. Envoyé en France en 1944, il avait été arrêté et déporté à Buchenwald, où il avait maquillé son identité pour échapper à la mort. Après une nouvelle évasion, il avait réussi à rallier les troupes américaines pour arriver à Paris en mai 1945.
A la Libération, il avait rejoint le secrétariat général de l'ONU, participé en tant que secrétaire à la rédaction de la Déclaration universelle des droits de l'Homme et avait entamé une carrière de diplomate qui allait le conduire au Vietnam et à Alger.
Elevé à la dignité d'ambassadeur de France par François Mitterrand en 1981, Stéphane Hessel avait alors milité pour les immigrés sans-papiers et pour les Palestiniens, ce qui lui avait valu les vives critiques des associations juives.
En France, plusieurs personnalités ont salué sa mémoire. Le maire socialiste de Paris, Bertrand Delanoë, a ainsi notamment rendu hommage à "l'humaniste authentique, le résistant indomptable et le penseur généreux" qui "manqueront terriblement à notre pays".
A Bruxelles, le président du Parlement européen, Martin Schulz, a salué dans un tweet "le grand Européen, toujours engagé, jamais satisfait, mû par un esprit de combat et de liberté".

3 de jan. de 2013

M. Depardieu sera un nouveau tsar?


http://tempsreel.nouvelobs.com/societe/20130103.OBS4329/poutine-accorde-la-citoyennete-russe-a-depardieu.html

20 de dez. de 2012

Algérie x France - Nouvel Observateur


ALGERIE. La leçon d’Histoire du professeur Hollande

Créé le 20-12-2012 à 20h28 - Mis à jour à 21h04

Devant les parlementaires algériens, le président n’a pas fait repentance mais dénoncé l’injustice et la violence de l'ère coloniale. De notre envoyé spécial à Alger.

François Hollande à Alger, jeudi 20 décembre. (CHESNOT/SIPA)
François Hollande à Alger, jeudi 20 décembre. (CHESNOT/SIPA)

En se rendant au Palais des Nations où le président français devait prononcer, jeudi 20 décembre, un discours très attendu devant les deux chambres du parlement algérien, les suiveurs s’étaient munis de leur détecteur de mensonge historique. La machine, un rien poussiéreuse, n’avait guère servi depuis les déclarations de Jacques Chirac puis de Jospin sur la responsabilité de l’Etat français dans la rafle du Vel d’hiv. A vrai dire, l’engin d’une rare puissance de calcul avait implosé après le discours de Nicolas Sarkozy à Dakar sur l’homme africain qui n’était pas entré dans l’Histoire et le bilan "globalement positif" de la colonisation…
Après l’alternance du 6 mai, l’appareil entièrement révisé allait-il à nouveau permettre d’apprécier la pertinence des discours ? Oui ! Branché sur la sortie son de Hollande, l’aiguille de ce capteur n’a pas frémi. Le président français n’a donc pas menti ! Loin de présenter les excuses attendues et réclamées depuis tant d’années par le régime algérien, le septième président de la Cinquième République s’est dit tenu par un "devoir de vérité sur la violence, sur l’injustice, sur les souffrances et sur la torture".

Pas de déni, pas de repentance

Et puisque  "rien ne se construit dans le déni", il a bel et bien incriminé la colonisation comme « un système profondément injuste et brutal et destructeur". "Je reconnais ici les souffrances que le système colonial français a infligé au peuple algérien", a-t-il poursuivi en décernant une mention spéciale de l’horreur aux massacres de Setif – "le 8 mai 1945, la France a manqué à ses valeurs universelles"-, mais aussi les exactions infligés aux populations civiles de Guelma et de Kherrata.
Fidèle à son esprit de synthèse, François Hollande a ratissé large en appelant au "respect de toutes les mémoires". Que les archives, y compris celles de l’armée française, s’ouvrent aux chercheurs français comme algériens ! "La paix des mémoires à laquelle j’aspire repose sur la connaissance et la divulgation de l’Histoire." Autrement dit : plus les peuples connaîtront leurs histoires complexes et fracturées, plus ils seront enclin à la tempérance. Hollande n’a pas voulu haranguer l’assemblée algérienne. Mais tel l’instituteur d’Albert Camus, éveiller les esprits.

Numéro d'équilibriste

Hommage fut rendu aux "grandes consciences françaises qui ont su s’élever contre l’injustice de l’ordre colonial", de Georges Clémenceau à François Mauriac en passant par Germaine Tillon et André Mandouze. Autrement dit, il y eut du bon et du moins bon dans chaque camp. Raisonnable, François Hollande a fait sienne la conception défendue par le président Bouteflika d’une "lecture objective de l’Histoire". On comprend donc que ce travail savant doit être entrepris des deux côtés de la Méditerranée.
Rien à voir donc avec les revirements de Nicolas Sarkozy en 2007 qui, après avoir qualifié le système colonial de "profondément injuste" avait, le soir même, reçu des représentants de la communauté harki. Tollé à Alger ! Les parlementaires algériens qui ont attentivement écouté François Hollande ne s’y sont pas trompés. Ils ont applaudi debout le discours présidentiel. Mais sans débordement d’enthousiasme. Toute leçon d’histoire n’est pas de nature à soulever les passions. "Il ne pouvait rien dire d’autre. Et ce qu’il a dit était juste", tranchait Patrick Mennucci, membre de la délégation française. A quoi bon, dans ces conditions, utiliser un détecteur de propos historiques ?
Sylvain Courage - Le Nouvel Observateur

6 de dez. de 2012

L'architecte Oscar Niemeyer s'est éteint à l'âge de 104 ans - Le Nouvel Observateur

Créé le 06-12-2012 à 06h57 - Mis à jour à 12h13
Surnommé "l'architecte de la sensualité", le Brésilien a conçu de nombreux bâtiments phares, dont notamment le siège de l'ONU à New York. 


L'architecte brésilien Oscar Niemeyer. (Ricardo Moraes/AP/SIPA)
L'architecte brésilien Oscar Niemeyer. (Ricardo Moraes/AP/SIPA)

L'architecte brésilien Oscar Niemeyer, qui a révolutionné l'architecture moderne dont la ville de Brasilia est devenu un symbole, est décédé mercredi 5 décembre à Rio de Janeiro à l'âge de 104 ans.

600 oeuvres réalisées

Né le 15 décembre 1907 à Rio, dans une famille bourgeoise d'origine allemande, portugaise et arabe, Oscar Ribeiro de Almeida de Niemeyer Soares, a participé à la réalisation de plus de 600 oeuvres en 70 ans de carrière. Une vingtaine sont encore en cours de réalisation dans divers pays.
C'est en 1940 que Niemeyer fait la connaissance du futur président Juscelino Kubitschek, qui lui donnera la "joie" de construire ex-nihilo Brasilia, l'actuelle capitale du Brésil, avec l'urbaniste Lucio Costa et le paysagiste Roberto Burle Marx.
"On voulait faire des immeubles qui créent une certaine stupeur parce qu'ils étaient différents", avait déclaré ce pionnier de l'utilisation du béton.

De nombreux prix

Inaugurée le 21 avril 1960, Brasilia, dont il a réalisé les bâtiments phares, lui a fait remporter d'innombrables prix, comme le Pritzker (le Nobel d'architecture) en 1988.
"Ce petit homme frêle au regard vif aimait se rendre tous les jours dans son atelier aux grandes baies vitrées donnant sur la plage de Copacabana. Depuis quatre ans, il ne se déplaçait plus qu'en chaise roulante, après une fracture du bassin.
Au cours des dernières années, il avait été hospitalisé à plusieurs reprises, la dernière le 2 novembre en raison d'une déshydratation et pour la pose d'une sonde gastrique. Depuis, sa fonction rénale s'était détériorée, d'après son médecin.

"Il ne reste que deux communistes dans le monde, Oscar et moi"

Ces dernières années, il n'avait de cesse de répéter qu'"avoir 100 ans, c'est une merde" et qu'"il n'y a rien à commémorer !"
Surnommé "l'architecte de la sensualité" en raison de ses bâtiments tout en courbes, il est resté athée et militant communiste jusqu'à la fin dans un pays marqué par les inégalités sociales.
"Il ne reste que deux communistes dans le monde, Oscar et moi", avait dit en 1995 le dirigeant cubain de l'époque, Fidel Castro, lors d'une visite à l'architecte dans son atelier.
Le jour de ses 102 ans, Niemeyer confiait que sa seule consolation était de "voir que le Brésil était devenu plus égalitaire depuis l'arrivée au pouvoir d'un ancien ouvrier", l'ex-président Luiz Inacio Lula da Silva (2003-2010).

Concepteur du siège des Nations unies

C'est en 1936 qu'il avait fait la rencontre décisive du Français Le Corbusier, à Rio, dont il se disait le disciple. Son premier grand travail sera le "Complexe de la Pampulha" (à Belo Horizonte) achevé en 1943 et "l'un de ses préférés".
L'architecte brésilien a participé notamment à la conception du siège des Nations unies (1952), à New York, et a dessiné le Musée d'art contemporain de Niteroi (1996), près de Rio, célèbre pour sa forme de soucoupe volante.
La France, qui l'a accueilli pendant ses années d'exil alors qu'il fuyait la dictature, compte près d'une vingtaine d'oeuvres, dont le siège du Parti communiste à Paris (1965) et la Maison de la Culture du Havre (1972).
En 1928, Niemeyer s'était marié avec Annita Bildo avec qui il a eu une fille. Leur union durera 76 ans, jusqu'au décès d'Annita fin 2004. Sa fille, Anna, était décédée en juin d'un emphysème pulmonaire.
A l'âge de 98 ans, il s'était remarié avec sa secrétaire, Vera Lucia Cabrera, alors âgée de 60 ans.
Lors du dernier carnaval de Rio, Niemeyer avait encore visité les travaux de rénovation du Sambodrome, qu'il avait construit il y a trente ans et où se dérouleront certaines des compétitions des Jeux olympiques de 2016 à Rio.

Fonte: http://tempsreel.nouvelobs.com/culture/20121206.OBS1676/l-architecte-oscar-niemeyer-s-est-eteint-a-l-age-de-104-ans.html

26 de out. de 2012

Révoltées, les femmes de militaires se mettent à nues - Journal du siècle

Fui questionada sobre a mídia francesa. Qual é a melhor? Gaguejei ao sair nomes da mídia standard. Eu realmente acho que o que vale a pena é a mídia independente. Vou começar a juntar mais links sobre o assunto.

Para começar: http://lejournaldusiecle.com/

Escolhi a reportagem: Révoltées, les femmes de militaires se mettent à nues - Journal du siècle
Fonte: http://lejournaldusiecle.com/2012/10/26/revoltees-les-femmes-de-militaires-se-mettent-a-nues/

Tradução livre: Revoltadas, mulheres de militares ficam nuas.

  Trahi par ton pays ...

Desabafos das mulheres de militares que estão em combate pela França.
mas que  não estão sendo pagos!

 
"Fatigué par la guerre 
Usé par les combats
Trahi par le gouvernement
Volé par les banques
Les enfants et moi nous sommes à tes côtés.
On t'aime"

7 de mar. de 2012

France -- Brésil


Si les Français ne semblent pas actuellement très fiers de l'image que reflète leur pays, un sondage réalisé par TNS-Sofres révèle que nos amis Brésiliens lui accordent toute leur affection et leur confiance

En décembre dernier, TNS-Sofres a réalisé un grand sondage concernant "L'image de la France dans le monde" pour RFI, France 24 et MCD. Ce sont en tout 13.000 personnes, habitant dans 12 pays différents qui ont répondu aux différentes questions de l'institut. L'Allemagne, le Brésil, l'Egypte, l'Espagne, les Etats-Unis, la France, l'Inde, le Japon, le Mali, le Maroc, la Pologne et le Royaume-Uni ont rendu leur verdict. Si du côté de nos voisins les plus proches (Allemagne, Royaume-Uni ou Espagne) les impressions sur la France sont positives, mais restent fortement modulées, il n'en est rien pour la Pologne et les deux grands intégrants des BRIC consultés, à savoir l'Inde et le Brésil : 81% des Indiens aiment la France, alors que l'on atteint les 82% de popularité dans les deux autres pays. Le Brésil se situe donc en première position des "amoureux de la France".


Une bonne entente également confirmée sur le plan des relations bilatérales, puisque 91% des Brésiliens interrogés estiment que les relations entre leur pays et la France sont au beau fixe (seulement 3% les trouvent mauvaises), et la grande majorité d'entre eux (72%) pensent même qu'elles se sont très largement améliorées au cours des vingt dernières années. Une bonne nouvelle qui devrait ravir des Français bien moroses puisque de bonnes relations permettent d'établir des échanges économiques fructueux entre deux pays.

Un regard paradoxal et stéréotypé sur la France ?

Alors que les pays européens n'envisagent pas totalement la France comme étant encore le pays des Droits de l'Homme, ou émettent des réticences face à l'application française de sa devise "Liberté, égalité, fraternité", pour 80% des Brésiliens ces valeurs ne sont pas juste historiques, elles représentent encore pleinement la République française.

Les avis convergent en revanche lorsqu'il s'agit d'évaluer à quel rang mondial se situe la France : le plus grand nombre de sondés (Français inclus) la placerait du 6ème au 9ème rang, ce qui en ferait une puissance déclinante. Pourtant son importance sur le plan international n'est pas franchement remise en question par la majorité des pays, 83% des Brésiliens (positionnés derrière le Maroc, la Pologne et l'Inde, mais ex-aequo avec l'Espagne) pensent que la France joue un grand rôle sur  l'échiquier international, une part d'action qui se serait même accrue lors des vingt dernières années pour 55% des Brésiliens.



En revanche sur le plan des domaines de compétences français, ce sont avant tout les clichés qui règnent, puisque la France est considérée comme leader pour la mode ou la cuisine et le vin (respectivement pour 75% et 79% des Brésiliens interrogés), ils semblent loin de paraître à la pointe dans les secteurs des télécom (20%), de l'aérospatial (16%), de la recherche médicale (22%) ou encore du nucléaire (14%), des domaines dans lesquels les efforts français sont pourtant reconnus. Mais en ce qui concerne les systèmes scolaire, de santé, de transports et les réseaux routiers, les louanges du Maroc, de l'Egypte, de l'Inde et du Brésil sont unanimes.



Un pays qui attire
A n'en pas douter, lorsque l'on pose la question aux Brésiliens de savoir s'ils aimeraient venir vivre, travailler ou étudier en France, ils restent les plus enthousiastes sur l'ensemble des sondés : 81% des étudiants sont tentés par une aventure française, 71% s'imagineraient bien s'installer en France, et 77% souhaiteraient y travailler.

Dans une autre étude également réalisée par TNS-Sofres et divulguée en novembre dernier concernant les étudiants d'Amérique Latine venus faire un échange en France, il ressort que malgré le caractère assez peu accueillant des Français, cela reste un pays particulièrement attrayant pour les Brésiliens qui estiment leur période d'étude positive à 96%, ce qui les place en tête des étudiants les plus satisfaits.

Amélie PERRAUD-BOULARD (www.lepetitjournal.com – Brésil) mercredi 7 mars 2012

5 de fev. de 2012

O google nos tornou idiotas? Nicolas Carr

Fantástica matéria. Como eu sou viciada em internet e ando revendo meus conceitos (mais livros menos teclas) este artigo ajudou deveras.

Fonte:
http://www.internetactu.net/2009/01/23/nicolas-carr-est-ce-que-google-nous-rend-idiot/


Nicolas Carr : “Est-ce que Google nous rend idiot ?”

Par Hubert Guillaud le 23/01/09 | Aucun commentaire | 64,012 lectures | Impression
En introduction à un dossier à paraître sur le papier contre l’électronique, il nous a semblé important de vous proposer à la lecture Is Google Making Us Stupid ?, l’article de Nicolas Carr, publié en juin 2008 dans la revue The Atlantic, et dont la traduction, réalisée par Penguin, Olivier et Don Rico, a été postée sur le FramaBlog en décembre. Dans cet article, Nicolas Carr (blog), l’auteur de Big Switch et de Does IT matter ?, que l’on qualifie de Cassandre des nouvelles technologies, parce qu’il a souvent contribué à un discours critique sur leur impact, part d’un constat personnel sur l’impact qu’à l’internet sur sa capacité de concentration pour nous inviter à réfléchir à l’influence des technologies sur notre manière de penser et de percevoir le monde. Rien de moins.
La couverture d'Atlantic de juillet-août 2008“Dave, arrête. Arrête, s’il te plaît. Arrête Dave. Vas-tu t’arrêter, Dave ?” Ainsi le super-ordinateur HAL suppliait l’implacable astronaute Dave Bowman dans une scène célèbre et singulièrement poignante à la fin du film de Stanley Kubrick 2001, l’odyssée de l’espace. Bowman, qui avait failli être envoyé à la mort, au fin fond de l’espace, par la machine détraquée, est en train de déconnecter calmement et froidement les circuits mémoires qui contrôlent son “cerveau” électronique. “Dave, mon esprit est en train de disparaître”, dit HAL, désespérément. “Je le sens. Je le sens.”
Moi aussi, je le sens. Ces dernières années, j’ai eu la désagréable impression que quelqu’un, ou quelque chose, bricolait mon cerveau, en reconnectait les circuits neuronaux, reprogrammait ma mémoire. Mon esprit ne disparaît pas, je n’irai pas jusque là, mais il est en train de changer. Je ne pense plus de la même façon qu’avant. C’est quand je lis que ça devient le plus flagrant. Auparavant, me plonger dans un livre ou dans un long article ne me posait aucun problème. Mon esprit était happé par la narration ou par la construction de l’argumentation, et je passais des heures à me laisser porter par de longs morceaux de prose. Ce n’est plus que rarement le cas. Désormais, ma concentration commence à s’effilocher au bout de deux ou trois pages. Je m’agite, je perds le fil, je cherche autre chose à faire. J’ai l’impression d’être toujours en train de forcer mon cerveau rétif à revenir au texte. La lecture profonde, qui était auparavant naturelle, est devenue une lutte.
Je crois savoir ce qui se passe. Cela fait maintenant plus de dix ans que je passe énormément de temps sur la toile, à faire des recherches, à surfer et même parfois à apporter ma pierre aux immenses bases de données d’Internet. En tant qu’écrivain, j’ai reçu le Web comme une bénédiction. Les recherches, autrefois synonymes de journées entières au milieu des livres et magazines des bibliothèques, s’effectuent désormais en un instant. Quelques recherches sur Google, quelques clics de lien en lien et j’obtiens le fait révélateur ou la citation piquante que j’espérais. Même lorsque je ne travaille pas, il y a de grandes chances que je sois en pleine exploration du dédale rempli d’informations qu’est le Web ou en train de lire ou d’écrire des e-mails, de parcourir les titres de l’actualité et les derniers billets de mes blogs favoris, de regarder des vidéos et d’écouter des podcasts ou simplement de vagabonder d’un lien à un autre, puis à un autre encore. (À la différence des notes de bas de page, auxquelles on les apparente parfois, les liens hypertextes ne se contentent pas de faire référence à d’autres ouvrages ; ils vous attirent inexorablement vers ces nouveaux contenus.)
Pour moi, comme pour d’autres, le Net est devenu un media universel, le tuyau d’où provient la plupart des informations qui passent par mes yeux et mes oreilles. Les avantages sont nombreux d’avoir un accès immédiat à un magasin d’information d’une telle richesse, et ces avantages ont été largement décrits et applaudis comme il se doit. “Le souvenir parfait de la mémoire du silicium”a écrit Clive Thompson de Wired“peut être une fantastique aubaine pour la réflexion.” Mais cette aubaine a un prix. Comme le théoricien des média Marshall McLuhan le faisait remarquer dans les années 60, les média ne sont pas uniquement un canal passif d’information. Ils fournissent les bases de la réflexion, mais ils modèlent également le processus de la pensée. Et il semble que le Net érode ma capacité de concentration et de réflexion. Mon esprit attend désormais les informations de la façon dont le Net les distribue : comme un flux de particules s’écoulant rapidement. Auparavant, j’étais un plongeur dans une mer de mots. Désormais, je fends la surface comme un pilote de jet-ski.
Je ne suis pas le seul. Lorsque j’évoque mes problèmes de lecture avec des amis et des connaissances, amateurs de littérature pour la plupart, ils me disent vivre la même expérience. Plus ils utilisent le Web, plus ils doivent se battre pour rester concentrés sur de longues pages d’écriture. Certains des bloggeurs que je lis ont également commencé à mentionner ce phénomène. Scott Karp, qui tient un blog sur les média en ligne, a récemment confessé qu’il avait complètement arrêté de lire des livres. “J’étais spécialisé en littérature à l’université et je passais mon temps à lire des livres”, écrit-il. “Que s’est-il passé ?” Il essaie de deviner la réponse : “Peut-être que je ne lis plus que sur Internet, non pas parce que ma façon de lire a changé (c’est à dire parce que je rechercherais la facilité), mais plutôt parce que ma façon de PENSER a changé ?”
Bruce Friedman, qui bloggue régulièrement sur l’utilisation des ordinateurs en médecine, décrit également la façon dont Internet a transformé ses habitudes intellectuelles. “J’ai désormais perdu presque totalement la capacité de lire et d’absorber un long article, qu’il soit sur le Web ou imprimé”, écrivait-il plus tôt cette année. Friedman, un pathologiste qui a longtemps été professeur l’école à de médecine du Michigan, a développé son commentaire lors d’une conversation téléphonique avec moi. Ses pensées, dit-il, ont acquis un style “staccato”, à l’image de la façon dont il scanne rapidement de petits passages de texte provenant de multiples sources en ligne. “Je ne peux plus lire Guerre et Paix, admet-il. “J’ai perdu la capacité de le faire. Même un billet de blog de plus de trois ou quatre paragraphes est trop long pour que je l’absorbe. Je l’effleure à peine.”
Les anecdotes par elles-mêmes ne prouvent pas grand chose. Et nous attendons encore des expériences neurologiques et psychologiques sur le long terme, qui nous fourniraient une image définitive sur la façon dont Internet affecte nos capacités cognitives. Mais une étude publiée récemment (.pdf) sur les habitudes de recherches en ligne, conduite par des spécialistes de l’université de Londres, suggère que nous assistons peut-être à de profonds changements de notre façon de lire et de penser. Dans le cadre de ce programme de recherche de cinq ans, ils ont examiné des traces informatiques renseignant sur le comportement des visiteurs de deux sites populaires de recherche, l’un exploité par la bibliothèque britannique et l’autre par un consortium éducatif anglais, qui fournissent un accès à des articles de journaux, des livres électroniques et d’autres sources d’informations écrites. Ils ont découvert que les personnes utilisant ces sites présentaient “une forme d’activité d’écrémage”, sautant d’une source à une autre et revenant rarement à une source qu’ils avaient déjà visitée. En règle générale, ils ne lisent pas plus d’une ou deux pages d’un article ou d’un livre avant de “bondir” vers un autre site. Parfois, ils sauvegardent un article long, mais il n’y a aucune preuve qu’ils y reviendront jamais et le liront réellement. Les auteurs de l’étude rapportent ceci :
“Il est évident que les utilisateurs ne lisent pas en ligne dans le sens traditionnel. En effet, des signes montrent que de nouvelles formes de “lecture” apparaissent lorsque les utilisateurs “super-naviguent” horizontalement de par les titres, les contenus des pages et les résumés pour parvenir à des résultats rapides. Il semblerait presque qu’ils vont en ligne pour éviter de lire de manière traditionnelle.”
Grâce à l’omniprésence du texte sur Internet, sans même parler de la popularité des textos sur les téléphones portables, nous lisons peut-être davantage aujourd’hui que dans les années 70 ou 80, lorsque la télévision était le média de choix. Mais il s’agit d’une façon différente de lire, qui cache une façon différente de penser, peut-être même un nouveau sens de l’identité. “Nous ne sommes pas seulement ce que nous lisons”, dit Maryanne Wolf, psychologue du développement à l’université Tufts et l’auteur de Proust et le Calamar : l’histoire et la science du cerveau qui lit“Nous sommes définis par notre façon de lire.” Wolf s’inquiète que le style de lecture promu par le Net, un style qui place “l’efficacité” et “l’immédiateté” au-dessus de tout, puisse fragiliser notre capacité pour le style de lecture profonde qui a émergé avec une technologie plus ancienne, l’imprimerie, qui a permis de rendre banals les ouvrages longs et complexes. Lorsque nous lisons en ligne, dit-elle, nous avons tendance à devenir de “simples décodeurs de l’information”. Notre capacité à interpréter le texte, à réaliser les riches connexions mentales qui se produisent lorsque nous lisons profondément et sans distraction, reste largement inutilisée.
La lecture, explique Wolf, n’est pas une capacité instinctive de l’être humain. Elle n’est pas inscrite dans nos gènes de la même façon que le langage. Nous devons apprendre à nos esprits comment traduire les caractères symboliques que nous voyons dans un langage que nous comprenons. Et le médium ou toute autre technologie que nous utilisons pour apprendre et exercer la lecture joue un rôle important dans la façon dont les circuits neuronaux sont modelés dans nos cerveaux. Les expériences montrent que les lecteurs d’idéogrammes, comme les chinois, développent un circuit mental pour lire très différent des circuits trouvés parmi ceux qui utilisent un langage écrit employant un alphabet. Les variations s’étendent à travers de nombreuses régions du cerveau, incluant celles qui gouvernent des fonctions cognitives essentielles comme la mémoire et l’interprétation des stimuli visuels et auditifs. De la même façon, nous pouvons nous attendre à ce que les circuits tissés par notre utilisation du Net seront différents de ceux tissés par notre lecture des livres et d’autres ouvrages imprimés.
En 1882, Friedrich Nietzsche acheta une machine à écrire, une “Malling-Hansen Writing Ball” pour être précis. Sa vue était en train de baisser, et rester concentré longtemps sur une page était devenu exténuant et douloureux, source de maux de têtes fréquents et douloureux. Il fut forcé de moins écrire, et il eut peur de bientôt devoir abandonner. La machine à écrire l’a sauvé, au moins pour un temps. Une fois qu’il eut maîtrisé la frappe, il fut capable d’écrire les yeux fermés, utilisant uniquement le bout de ses doigts. Les mots pouvaient de nouveau couler de son esprit à la page.
Mais la machine eut un effet plus subtil sur son travail. Un des amis de Nietzsche, un compositeur, remarqua un changement dans son style d’écriture. Sa prose, déjà laconique, devint encore plus concise, plus télégraphique. “Peut-être que, grâce à ce nouvel instrument, tu vas même obtenir un nouveau langage”, lui écrivit cet ami dans une lettre, notant que dans son propre travail ses “pensées sur la musique et le langage dépendaient souvent de la qualité de son stylo et du papier”.
“Tu as raison”, répondit Nietzsche , “nos outils d’écriture participent à l’éclosion de nos pensées”. Sous l’emprise de la machine, écrit le spécialiste allemand des médias Friedrich A. Kittler, la prose de Nietzsche “est passée des arguments aux aphorismes, des pensées aux jeux de mots, de la rhétorique au style télégraphique”.
Le cerveau est malléable presque à l’infini. On a longtemps cru que notre réseau mental, les connexions denses qui se forment parmi nos cent milliards et quelques de neurones, sont largement établis au moment où nous atteignons l’âge adulte. Mais des chercheurs du cerveau ont découvert que ce n’était pas le cas. James Olds, professeur de neurosciences qui dirige l’institut Krasnow pour l’étude avancée à l’université George Mason, dit que même l’esprit adulte “est très plastique”. Les cellules nerveuses rompent régulièrement leurs anciennes connexions et en créent de nouvelles. “Le cerveau”, selon Olds, “a la capacité de se reprogrammer lui-même à la volée, modifiant la façon dont il fonctionne.”
Lorsque nous utilisons ce que le sociologue Daniel Bell appelle nos “technologies intellectuelles”, les outils qui étendent nos capacités mentales plutôt que physiques, nous empruntons inéluctablement les qualités de ces technologies. L’horloge mécanique, qui est devenu d’utilisation fréquente au 14e siècle, fournit un exemple frappant. Dans Technique et Civilisation, l’historien et critique culturel Lewis Mumford décrit comment l’horloge “a dissocié le temps des évènements humains et a contribué à créer la croyance en un monde indépendant constitué de séquences mathématiquement mesurables”. La “structure abstraite du découpage du temps” est devenue “le point de référence à la fois pour l’action et les pensées”.
Le tic-tac systématique de l’horloge a contribué à créer l’esprit scientifique et l’homme scientifique. Mais il nous a également retiré quelque chose. Comme feu l’informaticien du MIT Joseph Weizenbaum l’a observé dans son livre de 1976, Le pouvoir de l’ordinateur et la raison humaine : du jugement au calcul, la conception du monde qui a émergé de l’utilisation massive d’instruments de chronométrage “reste une version appauvrie de l’ancien monde, car il repose sur le rejet de ces expériences directes qui formaient la base de l’ancienne réalité, et la constituaient de fait.” En décidant du moment auquel il faut manger, travailler, dormir et se lever, nous avons arrêté d’écouter nos sens et commencé à nous soumettre aux ordres de l’horloge.
Le processus d’adaptation aux nouvelles technologies intellectuelles est reflété dans les métaphores changeantes que nous utilisons pour nous expliquer à nous-mêmes. Quand l’horloge mécanique est arrivée, les gens ont commencé à penser que leur cerveau opérait “comme une horloge”. Aujourd’hui, à l’ère du logiciel, nous pensons qu’il fonctionne “comme un ordinateur”. Mais les changements, selon la neuroscience, dépassent la simple métaphore. Grâce à la plasticité de notre cerveau, l’adaptation se produit également au niveau biologique.
Internet promet d’avoir des effets particulièrement profonds sur la cognition. Dans un article publié en 1936 (.pdf), le mathématicien anglais Alan Turing a prouvé que l’ordinateur numérique, qui à l’époque n’existait que sous la forme d’une machine théorique, pouvait être programmé pour réaliser les fonctions de n’importe quel autre appareil traitant l’information. Et c’est ce à quoi nous assistons de nos jours. Internet, un système informatique d’une puissance inouïe, inclut la plupart de nos autres technologies intellectuelles. Il devient notre plan et notre horloge, notre imprimerie et notre machine à écrire, notre calculatrice et notre téléphone, notre radio et notre télévision.
Quand le Net absorbe un médium, ce médium est recréé à l’image du Net. Il injecte dans le contenu du médium des liens hypertextes, des pubs clignotantes et autres bidules numériques, et il entoure ce contenu avec le contenu de tous les autres média qu’il a absorbés. Un nouveau message e-mail, par exemple, peut annoncer son arrivée pendant que nous jetons un coup d’œil aux derniers titres sur le site d’un journal. Résultat : notre attention est dispersée et notre concentration devient diffuse.
L’influence du Net ne se limite pas aux bords de l’écran de l’ordinateur non plus. En même temps que l’esprit des gens devient sensible au patchwork disparate du médium Internet, les média traditionnels ont dû s’adapter aux nouvelles attentes de leur public. Les programmes de télévision ajoutent des textes défilants et des pubs qui surgissent, tandis que les magazines et les journaux réduisent la taille de leurs articles, ajoutent des résumés, et parsèment leurs pages de fragments d’information faciles à parcourir. Lorsque, au mois de mars de cette année, le New York Times a décidé de consacrer la deuxième et la troisième page de toutes ses éditions à des résumés d’articles, son directeur artistique, Tom Badkin, explique que les “raccourcis” donneront aux lecteurs pressés un “avant-goût” des nouvelles du jour, leur évitant la méthode “moins efficace” de tourner réellement les pages et de lire les articles. Les anciens média n’ont pas d’autre choix que de jouer suivant les règles du nouveau médium.
Jamais système de communication n’a joué autant de rôles différents dans nos vies, ou exercé une si grande influence sur nos pensées, que ne le fait Internet de nos jours. Pourtant, malgré tout ce qui a été écrit à propos du Net, on a très peu abordé la façon dont, exactement, il nous reprogramme. L’éthique intellectuelle du Net reste obscure.
À peu près au moment où Nietzsche commençait à utiliser sa machine à écrire, un jeune homme sérieux du nom de Frederick Winslow Taylor apporta un chronomètre dans l’aciérie Midvale de Philadelphie et entama une série d’expériences historique dont le but était d’améliorer l’efficacité des machinistes de l’usine. Avec l’accord des propriétaires de Midvale, il embaucha un groupe d’ouvriers, les fit travailler sur différentes machines de métallurgie, enregistra et chronométra chacun de leurs mouvements ainsi que les opérations des machines. En découpant chaque travail en une séquence de petites étapes unitaires et en testant les différentes façons de réaliser chacune d’entre elles, Taylor créa un ensemble d’instructions précises, un “algorithme”, pourrions dire de nos jours, décrivant comment chaque ouvrier devait travailler. Les employés de Midvale se plaignirent de ce nouveau régime strict, affirmant que cela faisait d’eux quelque chose d’à peine mieux que des automates, mais la productivité de l’usine monta en flèche.
Plus de cent ans après l’invention de la machine à vapeur, la révolution industrielle avait finalement trouvé sa philosophie et son philosophe. La chorégraphie industrielle stricte de Taylor, son “système” comme il aimait l’appeler, fut adoptée par les fabricants dans tout le pays et, avec le temps, dans le monde entier. À la recherche de la vitesse, de l’efficacité et de la rentabilité maximales, les propriétaires d’usine utilisèrent les études sur le temps et le mouvement pour organiser leur production et configurer le travail de leurs ouvriers. Le but, comme Taylor le définissait dans son célèbre traité de 1911, La direction des ateliers (le titre original The principles of scientific management pourrait être traduit en français par “Les principes de l’organisation scientifique”), était d’identifier et d’adopter, pour chaque poste, la “meilleure méthode” de travail et ainsi réaliser “la substitution graduelle de la science à la méthode empirique dans les arts mécaniques”. Une fois que le système serait appliqué à tous les actes du travail manuel, garantissait Taylor à ses émules, cela amènerait un remodelage, non seulement de l’industrie, mais également de la société, créant une efficacité parfaite utopique. “Dans le passé, l’homme était la priorité”, déclare-t-il, “dans le futur, la priorité, ce sera le système”.
Le système de Taylor, le taylorisme, est encore bien vivant ; il demeure l’éthique de la production industrielle. Et désormais, grâce au pouvoir grandissant que les ingénieurs informaticiens et les programmeurs de logiciel exercent sur nos vies intellectuelles, l’éthique de Taylor commence également à gouverner le royaume de l’esprit. Internet est une machine conçue pour la collecte automatique et efficace, la transmission et la manipulation des informations, et des légions de programmeurs veulent trouver “LA meilleure méthode”, l’algorithme parfait, pour exécuter chaque geste mental de ce que nous pourrions décrire comme “le travail de la connaissance”.
Le siège de Google, à Mountain View, en Californie, le Googleplex, est la Haute Église d’Internet, et la religion pratiquée en ses murs est le taylorisme. Google, selon son directeur-général Eric Schmidt, est “une entreprise fondée autour de la science de la mesure” et il s’efforce de “tout systématiser” dans son fonctionnement. En s’appuyant sur les téra-octets de données comportementales qu’il collecte à travers son moteur de recherche et ses autres sites, il réalise des milliers d’expériences chaque jour, selon le Harvard Business Review, et il utilise les résultats pour peaufiner les algorithmes qui contrôlent de plus en plus la façon dont les gens trouvent l’information et en extraient le sens. Ce que Taylor a fait pour le travail manuel, Google le fait pour le travail de l’esprit.
Google a déclaré que sa mission était “d’organiser les informations du monde et de les rendre universellement accessibles et utiles”. Cette société essaie de développer “le moteur de recherche parfait”, qu’elle définit comme un outil qui “comprendrait exactement ce que vous voulez dire et vous donnerait en retour exactement ce que vous désirez”. Selon la vision de Google, l’information est un produit comme un autre, une ressource utilitaire qui peut être exploitée et traitée avec une efficacité industrielle. Plus le nombre de morceaux d’information auxquels nous pouvons “accéder” est important, plus rapidement nous pouvons en extraire l’essence, et plus nous sommes productifs en tant que penseurs.
Où cela s’arrêtera-t-il ? Sergey Brin et Larry Page, les brillants jeunes gens qui ont fondé Google pendant leur doctorat en informatique à Stanford, parlent fréquemment de leur désir de transformer leur moteur de recherche en une intelligence artificielle, une machine comme HAL, qui pourrait être connectée directement à nos cerveaux. “Le moteur de recherche ultime est quelque chose d’aussi intelligent que les êtres humains, voire davantage”, a déclaré Page lors d’une conférence il y a quelques années. “Pour nous, travailler sur les recherches est un moyen de travailler sur l’intelligence artificielle.” Dans un entretien de 2004 pour Newsweek, Brin affirmait : “Il est certain que si vous aviez toutes les informations du monde directement fixées à votre cerveau ou une intelligence artificielle qui serait plus intelligente que votre cerveau, vous vous en porteriez mieux.”L’année dernière, Page a dit lors d’une convention de scientifiques que Google “essayait vraiment de construire une intelligence artificielle et de le faire à grande échelle.”
Une telle ambition est naturelle, et même admirable, pour deux mathématiciens prodiges disposant d’immenses moyens financiers et d’une petite armée d’informaticiens sous leurs ordres. Google est une entreprise fondamentalement scientifique, motivée par le désir d’utiliser la technologie, comme l’exprime Eric Schmidt, “pour résoudre les problèmes qui n’ont jamais été résolus auparavant”, et le frein principal à la réussite d’une telle entreprise reste l’intelligence artificielle. Pourquoi Brin et Page ne voudraient-ils pas être ceux qui vont parvenir à surmonter cette difficulté ?
Pourtant, leur hypothèse simpliste voulant que nous nous “porterions mieux” si nos cerveaux étaient assistés ou même remplacés par une intelligence artificielle, est inquiétante. Cela suggère que d’après eux l’intelligence résulte d’un processus mécanique, d’une suite d’étapes discrètes qui peuvent être isolés, mesurés et optimisés. Dans le monde de Google, le monde dans lequel nous entrons lorsque nous allons en ligne, il y a peu de place pour le flou de la réflexion. L’ambiguïté n’est pas un préliminaire à la réflexion mais un bogue à corriger. Le cerveau humain n’est qu’un ordinateur dépassé qui a besoin d’un processeur plus rapide et d’un plus gros disque dur.
L’idée que nos esprits doivent fonctionner comme des machines traitant des données à haute vitesse n’est pas seulement inscrite dans les rouages d’Internet, c’est également le business-model qui domine le réseau. Plus vous surfez rapidement sur le Web, plus vous cliquez sur des liens et visitez de pages, plus Google et les autres compagnies ont d’occasions de recueillir des informations sur vous et de vous nourrir avec de la publicité. La plupart des propriétaires de sites commerciaux ont un enjeu financier à collecter les miettes de données que nous laissons derrière nous lorsque nous voletons de lien en lien : plus y a de miettes, mieux c’est. Une lecture tranquille ou une réflexion lente et concentrée sont bien les dernières choses que ces compagnies désirent. C’est dans leur intérêt commercial de nous distraire.
Peut-être ne suis-je qu’un angoissé. Tout comme il y a une tendance à glorifier le progrès technologique, il existe la tendance inverse, celle de craindre le pire avec tout nouvel outil ou toute nouvelle machine. Dans le Phèdre de Platon, Socrate déplore le développement de l’écriture. Il avait peur que, comme les gens se reposaient de plus en plus sur les mots écrits comme un substitut à la connaissance qu’ils transportaient d’habitude dans leur tête, ils allaient, selon un des intervenants d’un dialogue, “arrêter de faire travailler leur mémoire et devenir oublieux.” Et puisqu’ils seraient capables de “recevoir une grande quantité d’informations sans instruction appropriée”, ils risquaient de “croire posséder une grande connaissance, alors qu’ils seraient en fait largement ignorants”. Ils seraient “remplis de l’orgueil de la sagesse au lieu de la sagesse réelle”. Socrate n’avait pas tort, les nouvelles technologies ont souvent les effets qu’il redoutait, mais il manquait de vision à long terme. Il ne pouvait pas prévoir les nombreux moyens que l’écriture et la lecture allaient fournir pour diffuser l’information, impulsant des idées fraîches et élargissant la connaissance humaine (voire la sagesse).
L’arrivée de l’imprimerie de Gutenberg, au XVe siècle, déclencha une autre série de grincements de dents. L’humaniste italien Hieronimo Squarciafico s’inquiétait que la facilité à obtenir des livres conduise à la paresse intellectuelle, rende les hommes “moins studieux” et affaiblisse leur esprit. D’autres avançaient que des livres et journaux imprimés à moindre coût allaient saper l’autorité religieuse, rabaisser le travail des érudits et des scribes, et propager la sédition et la débauche. Comme le professeur de l’université de New York, Clay Shirky, le remarque, “la plupart des arguments contre l’imprimerie était corrects et même visionnaires.” Mais, encore une fois, les prophètes de l’apocalypse ne pouvaient imaginer la myriade de bienfaits que le texte imprimé allait amener.
Alors certes, vous pouvez vous montrer sceptique vis-à-vis de mon scepticisme. Ceux qui considèrent les détracteurs d’Internet comme des béotiens technophobes ou passéistes auront peut-être raison, et peut-être que de nos esprits hyperactifs, gavés de données surgira un âge d’or de la découverte intellectuelle et de la sagesse universelle. Là encore, le Net n’est pas l’alphabet, et même s’il remplacera peut-être l’imprimerie, il produira quelque chose de complètement différent. Le type de lecture profonde qu’une suite de pages imprimées stimule est précieux, non seulement pour la connaissance que nous obtenons des mots de l’auteur, mais aussi pour les vibrations intellectuelles que ces mots déclenchent dans nos esprits. Dans les espaces de calme ouverts par la lecture soutenue et sans distraction d’un livre, ou d’ailleurs par n’importe quel autre acte de contemplation, nous faisons nos propres associations, construisons nos propres inférences et analogies, nourrissons nos propres idées. La lecture profonde, comme le défend Maryanne Wolf, est indissociable de la pensée profonde.
Si nous perdons ces endroits calmes ou si nous les remplissons avec du “contenu”, nous allons sacrifier quelque chose d’important non seulement pour nous même, mais également pour notre culture. Dans un essai récent, l’auteur dramatique Richard Foreman décrit de façon éloquente ce qui est en jeu :
“Je suis issu d’une tradition culturelle occidentale, pour laquelle l’idéal (mon idéal) était la structure complexe, dense et “bâtie telle une cathédrale” de la personnalité hautement éduquée et logique, un homme ou une femme qui transporte en soi-même une version unique et construite personnellement de l’héritage tout entier de l’occident. Mais maintenant je vois en nous tous (y compris en moi-même) le remplacement de cette densité interne complexe par une nouvelle sorte d’auto-évolution sous la pression de la surcharge d’information et la technologie de “l’instantanément disponible”.”
À mesure que nous nous vidons de notre “répertoire interne issu de notre héritage dense”, conclut Foreman, nous risquons de nous transformer en “crêpe humaine”, étalée comme un pâte large et fine à mesure que nous nous connectons à ce vaste réseau d’information accessible en pressant simplement sur une touche.”
Cette scène de 2001 : l’odyssée de l’espace me hante. Ce qui la rend si poignante, et si bizarre, c’est la réponse pleine d’émotion de l’ordinateur lors du démontage de son esprit : son désespoir à mesure que ses circuits s’éteignent les uns après les autres, sa supplication enfantine face à l’astronaute, “Je le sens, je le sens. J’ai peur.”, ainsi que sa transformation et son retour final à ce que nous pourrions appeler un état d’innocence. L’épanchement des sentiments de HAL contraste avec l’absence d’émotion qui caractérise les personnages humains dans le film, lesquels s’occupent de leur boulot avec une efficacité robotique. Leurs pensées et leurs actions semblent scénarisées, comme s’ils suivaient les étapes d’un algorithme. Dans le monde de 2001, les hommes sont devenus si semblables aux machines que le personnage le plus humain se trouve être une machine. C’est l’essence de la sombre prophétie de Kubrick : à mesure que nous nous servons des ordinateurs comme intermédiaires de notre compréhension du monde, c’est notre propre intelligence qui devient semblable à l’intelligence artificielle.
Nicolas Carr