20 de dez. de 2012

Algérie x France - Nouvel Observateur


ALGERIE. La leçon d’Histoire du professeur Hollande

Créé le 20-12-2012 à 20h28 - Mis à jour à 21h04

Devant les parlementaires algériens, le président n’a pas fait repentance mais dénoncé l’injustice et la violence de l'ère coloniale. De notre envoyé spécial à Alger.

François Hollande à Alger, jeudi 20 décembre. (CHESNOT/SIPA)
François Hollande à Alger, jeudi 20 décembre. (CHESNOT/SIPA)

En se rendant au Palais des Nations où le président français devait prononcer, jeudi 20 décembre, un discours très attendu devant les deux chambres du parlement algérien, les suiveurs s’étaient munis de leur détecteur de mensonge historique. La machine, un rien poussiéreuse, n’avait guère servi depuis les déclarations de Jacques Chirac puis de Jospin sur la responsabilité de l’Etat français dans la rafle du Vel d’hiv. A vrai dire, l’engin d’une rare puissance de calcul avait implosé après le discours de Nicolas Sarkozy à Dakar sur l’homme africain qui n’était pas entré dans l’Histoire et le bilan "globalement positif" de la colonisation…
Après l’alternance du 6 mai, l’appareil entièrement révisé allait-il à nouveau permettre d’apprécier la pertinence des discours ? Oui ! Branché sur la sortie son de Hollande, l’aiguille de ce capteur n’a pas frémi. Le président français n’a donc pas menti ! Loin de présenter les excuses attendues et réclamées depuis tant d’années par le régime algérien, le septième président de la Cinquième République s’est dit tenu par un "devoir de vérité sur la violence, sur l’injustice, sur les souffrances et sur la torture".

Pas de déni, pas de repentance

Et puisque  "rien ne se construit dans le déni", il a bel et bien incriminé la colonisation comme « un système profondément injuste et brutal et destructeur". "Je reconnais ici les souffrances que le système colonial français a infligé au peuple algérien", a-t-il poursuivi en décernant une mention spéciale de l’horreur aux massacres de Setif – "le 8 mai 1945, la France a manqué à ses valeurs universelles"-, mais aussi les exactions infligés aux populations civiles de Guelma et de Kherrata.
Fidèle à son esprit de synthèse, François Hollande a ratissé large en appelant au "respect de toutes les mémoires". Que les archives, y compris celles de l’armée française, s’ouvrent aux chercheurs français comme algériens ! "La paix des mémoires à laquelle j’aspire repose sur la connaissance et la divulgation de l’Histoire." Autrement dit : plus les peuples connaîtront leurs histoires complexes et fracturées, plus ils seront enclin à la tempérance. Hollande n’a pas voulu haranguer l’assemblée algérienne. Mais tel l’instituteur d’Albert Camus, éveiller les esprits.

Numéro d'équilibriste

Hommage fut rendu aux "grandes consciences françaises qui ont su s’élever contre l’injustice de l’ordre colonial", de Georges Clémenceau à François Mauriac en passant par Germaine Tillon et André Mandouze. Autrement dit, il y eut du bon et du moins bon dans chaque camp. Raisonnable, François Hollande a fait sienne la conception défendue par le président Bouteflika d’une "lecture objective de l’Histoire". On comprend donc que ce travail savant doit être entrepris des deux côtés de la Méditerranée.
Rien à voir donc avec les revirements de Nicolas Sarkozy en 2007 qui, après avoir qualifié le système colonial de "profondément injuste" avait, le soir même, reçu des représentants de la communauté harki. Tollé à Alger ! Les parlementaires algériens qui ont attentivement écouté François Hollande ne s’y sont pas trompés. Ils ont applaudi debout le discours présidentiel. Mais sans débordement d’enthousiasme. Toute leçon d’histoire n’est pas de nature à soulever les passions. "Il ne pouvait rien dire d’autre. Et ce qu’il a dit était juste", tranchait Patrick Mennucci, membre de la délégation française. A quoi bon, dans ces conditions, utiliser un détecteur de propos historiques ?
Sylvain Courage - Le Nouvel Observateur

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